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Nation et Identit�
Allocution pr�sent�e au Synode g�n�ral de l’�glise anglicane du Canada
� Montr�al, le lundi 25 mai 1998

par le Tr�s R�v�rend Andrew S. Hutchison, �v�que de Montr�al

Cet apr�s-midi, nous allons examiner deux questions qui ont pris un accent particulier au Qu�bec. Le fait de nous r�unir dans la plus grande ville du Qu�bec nous fournit une occasion toute sp�ciale d’aborder un sujet qui, depuis 1960, domine l’actualit�. Mais il a fallu 16 ans pour que ce sujet impr�gne profond�ment la conscience de la plupart des Canadiennes et Canadiens. En effet, c’est en 1976 que le mouvement nationaliste a atteint un point culminant lors de l’�lection du Parti Qu�b�cois � titre de gouvernement du Qu�bec. Les questions que nous allons examiner touchent surtout l’identit� et la compr�hension de soi. �tant donn� leur nature dynamique, ces questions se penchent rapidement vers nos rapports avec les autres : des personnes pour lesquelles notre exp�rience partag�e du monde est inconnue ou, dans la mesure o� elle est connue, incomprise.

Dans les ann�es 70, j’�tais un jeune pr�tre dans le dioc�se de Toronto. L’�v�que dioc�sain �tait alors l’archev�que Lewis Garnsworthy. Exprimant � haute voix la curiosit� qui habitait plusieurs d’entre nous, il demanda si nous ne devrions pas nous r�veiller et chercher � voir ce qui se passait vraiment au Qu�bec. Le p�re Ir�n�e Beaubien fut donc invit� � parler � une conf�rence regroupant quelque 300 membres du clerg� anglican � Toronto. Le p�re Beaubien, un j�suite, a fond� le Centre Canadien d’œcum�nisme situ� ici, � Montr�al. Pendant des ann�es, les j�suites ont fourni un appui intellectuel au mouvement nationaliste au Qu�bec. J’estime que son allocution a eu une influence sur ma d�cision de d�m�nager � Montr�al quelques ann�es plus tard, et sur le fait d’�tre pr�sent ici, aujourd’hui. Il m’a certainement fait prendre conscience de la question et, cons�quemment, m’a donn� le go�t de participer � la solution. Je suis d’avis que pour quelque raison que ce soit au cours de notre parcours, plusieurs d’entre nous d�couvrons qu’un th�me th�ologique dominant prend la forme d’une id�e directrice qui habite notre �tre. Pour moi, ce th�me a toujours �t� celui de la r�conciliation. St-Paul a articul� ce th�me : Dieu qui dans le Christ se r�conciliait le monde et il nous a confi� ce minist�re de la r�conciliation. Dans un monde plein de conflits, nouveaux et anciens, cela repr�sente tout un d�fi! Au cours des premi�res ann�es de notre mariage, mon �pouse Lois et moi-m�me avons pass� nos vacances au Qu�bec, au temps de la R�volution tranquille. Comme nous sommes tomb�s en amour avec le Qu�bec, il a �t� facile d’accepter l’invitation de venir � Montr�al pour �tre le doyen de la cath�drale Christ Church. Avec les paroles du p�re Beaubien en t�te et un engagement face � la r�conciliation dans mon coeur, il me semblait que nous pouvions apporter une contribution. Et j’y crois toujours.

Les discussions nationalistes au Qu�bec projettent tout une ombre sur le Canada � cause de notre bloc continental et notre population. Cela ne revient pas � dire que les questions d’identit� et de compr�hension de soi sont r�serv�es au Qu�bec. Au contraire, ces questions touchent plusieurs collectivit�s au Canada, dont certaines ont raison de pr�tendre que leurs pr�occupations se font �clipser injustement par l’�nergie et l’urgence visibles des discussions qui ont lieu au Qu�bec. Le pr�sent Synode a pour th�me �Faisons entendre nos voix! — Lift every voice!� On ne peut approprier litt�ralement le th�me sur le sujet de la nation et de l’identit�. Nous avons un trop grand nombre de circonscriptions distinctes au pays avec des pr�occupations concernant ces questions. Par contre, nous avons invit� des personnes repr�sentant quelques r�gions et communaut�s importantes � venir parler de leurs difficult�s touchant les questions d’unit� et de nation. Nous souhaitons que plusieurs d’entre vous pourrez entendre vos pr�occupations particuli�res.

Ce soir, nous entendrons des conf�renciers qui repr�sentent le Qu�bec, les Premi�res Nations, l’Ouest canadien et les Maritimes. Chaque personne est invit�e � commenter l’allocution sur ce th�me et � r�agir � la question lorsque soulev�e dans leur r�gion ou collectivit�. Puis, les membres du Synode seront invit�s � adresser leurs questions et commentaires au panel de conf�renciers. Il est important de pr�ciser qu’il ne s’agit pas d’un d�bat sur la question des aspirations du Qu�bec ni de tout autre groupe. Nous visons plut�t � :

  1. Avoir un �change d’information. Nous esp�rons qu’� la fin de la journ�e chacun d’entre nous sera mieux inform�.
  2. R�aliser que nous ne sommes pas seuls � �tre pr�occup�s par les questions de nation et d’identit�. Nous esp�rons que nous comprendrons mieux qu’il existe des groupes, autres que ceux avec lesquels nous nous associons, qui partagent des pr�occupations similaires aux n�tres.
  3. D�couvrir la possibilit� que nous pouvons nous entraider. Nous esp�rons que nous pourrons commencer � imaginer des fa�ons qui peuvent nous aider mutuellement � r�aliser nos aspirations l�gitimes.

Nous en dirons plus ce soir lors de la pr�sentation des conf�renciers. Je dois dire que je suis frapp� par la diff�rence subtile entre les versions fran�aise et anglaise du th�me du synode. La version anglaise se traduit litt�ralement par ��levons nos voix!� alors que la version fran�aise est �Faisons entendre nos voix!�. J’esp�re que l’esprit du th�me nous am�nera � �couter et � comprendre ce qui est dit. Dans la langue fran�aise, on dit que les questions d’identit� sont des questions du coeur. Il est donc important d’�couter avec son coeur et non seulement avec sa t�te.

 

Trois propositions

J’aimerais commencer avec quelques propositions de base. Premi�rement, je ne crois pas que les Saintes �critures ou notre tradition donnent le mandat � l’�glise de favoriser une forme de gouvernement en particulier. �tant donn� qu’il s’agit d’une question politique, ce sont les �lecteurs et les �lectrices, chr�tiens ou non, qui doivent choisir notre mode d’organisation pour notre s�curit� et bien-�tre collectifs. Par contre, nous avons �t� mandat� tant par l’�vangile que par notre bapt�me pour faire notre possible pour avoir la justice et la paix pour toutes les personnes et le respect de la dignit� de chaque �tre humain. � mon avis, l’�glise n’a pas d’affaire � s’aligner du c�t� du �Oui� ou du �Non� lors d’un r�f�rendum � ce sujet. Par contre, elle doit voir � ce que les droits fondamentaux et le bien-�tre des citoyennes et citoyens soient prot�g�s. On ne peut accepter d’appliquer un programme politique qui sacrifie les valeurs justes et fondamentales d’une soci�t�. J’ai �t� nomm� �v�que en 1990 et monsieur Bouchard est le quatri�me premier ministre � occuper ce poste depuis ce court lapse de temps. J’ai eu l’occasion de rencontrer chaque premier ministre et de leur faire part de mes opinions � ce sujet, ainsi qu’au public, via les m�dias, et � l’�glise. Il va sans dire que ces opinions sont plus appr�ci�es par les premiers groupes que par l’�glise. Car, en d�pit de l’inclusion d’une vari�t� de cultures et de langues, les membres du dioc�se sont de langue anglaise pour la plupart. Ces membres sont port�s � se tourner vers l’�glise pour obtenir un appui et une direction quant aux questions qui les affectent profond�ment. La position que j’ai prise n’est pas r�confortante pour ces personnes ni pour moi. Par ailleurs, ce que je pense personnellement - et, croyez-moi, passionn�ment - est tout autre, mais je n’ose pas partager ces opinions � titre de chef d’une �glise. C’est une limite que mon coll�gue, le Cardinal Turcotte, a franchie quand il s’est object� lorsque le gouvernement f�d�ral a contest� la l�galit� d’une d�claration unilat�rale d’ind�pendance � la suite d’un r�f�rendum provincial. M�me s’il n’y a rien de mal � ce qu’il adopte cette position, appuy�e, par ailleurs, par les deux c�t�s de l’Assembl�e nationale du Qu�bec, cela n’a pas �t� jug� appropri� de la part d’un dirigeant d’une �glise. J’ai eu des entretiens tant publics que priv�s avec le premier ministre sur la question des revendications autochtones pour l’autod�termination. C’est une injustice flagrante de voir des immigrants europ�ens du sud du Qu�bec revendiquer le droit de d�terminer la citoyennet� des peuples autochtones �tablis sur la terre depuis quelque 5 000 � 6 000 ans. Je me suis prononc� en faveur de la position des Autochtones au sujet du d�veloppement de la Baie James et au sujet de l’affront scandaleux fait � la communaut� juive lorsque les aliments sp�ciaux pour la p�que juive ont �t� retir�s des tablettes juste avant le cong� pascal � cause de l’absence de fran�ais sur l’emballage des produits import�s. Pour moi, ces sujets touchent notre engagement baptismal. Par contre, ce n’est pas aussi �vident en ce qui concerne l’organisation politique.

Deuxi�mement, je pense qu’en tant que Canadiennes et Canadiens de Terre-Neuve � l’�le de Vancouver, nos points communs sont plus nombreux que nous ne le pensons, tant au point de vue de notre culture que de nos traditions qui couvrent tout un �ventail. Les inondations au Saguenay et, plus r�cemment, au Manitoba, puis la temp�te de verglas et ses effets sur l’Ontario, le Qu�bec et le Nouveau-Brunswick, plus t�t cette ann�e, en sont un tr�s bon exemple. La premi�re r�ponse que j’ai eue � la temp�te de verglas est venue du dioc�se d’Athabaska suivie de pr�s d’un appui g�n�reux de la Colombie-Britannique et de Terre-Neuve. Des r�actions de chaque r�gion du pays nous sont parvenues tr�s rapidement. Toutes les barri�res politiques, g�ographiques et culturelles ont sembl� tomber et, ici au Qu�bec, de purs �trangers sont rapidement devenus des amis et les politiciennes et politiciens de tous les niveaux ont assum� un leadership sens�, inform� et totalement non partisan. C’est la fa�on humaine de r�agir � toute menace s�rieuse qui affecte un des n�tres et, � titre de Canadiennes et Canadiens, nous le faisons � merveille. Cela refl�te une sensibilit� canadienne qui affecte nos politiques �trang�res et nationales et la vie des communaut�s, petites ou grandes, � travers le Canada. Est-ce d� � notre histoire, notre g�ographie ou notre climat? Qui sait? Il n’en demeure pas moins que parmi les pays du monde, les Canadiennes et Canadiens se sont m�rit�s la r�putation d’�tre une soci�t� tol�rante, humanitaire, pacifique et responsable, des vertus qui transcendent les distinctions linguistiques et l’histoire r�gionale.

Troisi�mement, je crois que le Canada est une exp�rience fantastique, une œuvre en cours. Et cela m�rite d’�tre c�l�br� et non d�nigr�. Cela nous rend quasiment unique dans un monde d’�tats-nations. M�me si cela g�ne un certain nombre de Canadiennes et Canadiens qui pr�f�reraient qu’on soit un pays comme les autres, c’est un fait qui nous distingue et nous mod�le. Nous changeons constamment et nous sommes engag�s dans des n�gociations avec les diff�rentes juridictions qui partagent ce territoire ce qui, d’apr�s moi, est comme il se doit. Il y en a qui en ont assez des discussions constitutionnelles. Pourtant, avoir des �changes et des n�gociations constantes sont de simples �l�ments d’une soci�t� ouverte et dynamique qui reconna�t qu’il faut changer. �D�cidons de la question une fois pour toutes� n’est pas une formule d’ouverture aux aspirations changeantes de l’ensemble des citoyennes et citoyens. Je crois que cette troisi�me proposition nous permet d’esp�rer assister � une �volution positive de notre vie, ensemble sur ce continent. Un �tat unitaire dot� d’un gouvernement central fort requiert une conformit� qui l’emp�che d’�tre tr�s sensible aux besoins r�gionaux et culturels ce qui, avec le temps, impr�gne la conscience nationale et la conscience des citoyennes et citoyens. Il est important de se rappeler que les nations qui, selon nous, sont les plus civilis�es et d�velopp�es sont les produits de l’oppression, de la coercition, du conflit et de la violence sur une tr�s grande �chelle. La France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et les �tat-Unis ont atteint leur statut actuel au prix de millions de vies de leurs propres citoyens dissidents. Les personnes qui voudraient que le Canada ressemble davantage � ses partenaires commerciaux devraient revoir l’histoire des gens qu’elles cherchent � imiter. Le Canada se distingue parmi ses voisins de la communaut� mondiale des nations par sa volont� de traiter des facteurs complexes sur son territoire. Et, � cause de cela, nous avons d�velopp� une �thique d’autocritique et le besoin d’�tre ouvert � la n�gociation menant au changement. Il y a deux ans, lors d’un d�jeuner � l’occasion de la f�te de la St. Patrick, ici � Montr�al, Jean Charest a d�clar� : �Le Canada est un pays

 

dont les seules critiques vivent sur son propre territoire.�. M�me si Jessie Helms est une exception notable, je partage le commentaire de monsieur Charest et je crois que cela doit �tre ainsi. Il est vrai que notre autocritique devient parfois autod�nigrante et est souvent dirig�e sans grande retenue vers les personnes que nous �lisons et nous ne pouvons en �tre fiers. Cela ne diminue tout de m�me pas l’importance d’une autocritique responsable et d’une ouverture d’esprit au changement qui en d�coule.

 

La situation au Qu�bec

Ayant articul� ces trois propositions, j’aimerais maintenant me tourner vers le Qu�bec et certaines des observations les plus controvers�es, et peut-�tre m�me dangereuses, de la pr�sente allocution. Il existe un mythe r�pandu de deux solitudes au Canada, l’une fran�aise et l’autre anglaise. Il s’agit d’un mythe qui ne pr�te aucune attention aux soci�t�s qui ont �volu� partout sur ce territoire, pr�c�dant par des milliers d’ann�es l’immigration europ�enne. Le mythe ne tient pas compte de l’immigration provenant d’Asie, d’Afrique, d’Am�rique Centrale, d’Am�rique du Sud, des pays d’Europe de l’Est, ou de pays autres que la France et la Grande-Bretagne. C’est un mythe qui, � travers les si�cles, a �t� exploit� de diverses fa�ons par classe politique et qui renforce efficacement la mentalit� de victime parmi les Qu�b�coises et Qu�b�cois francophones. Mais la mentalit� de victime existe depuis plus longtemps que le mythe.

Les Fran�ais sont arriv�s sur cette terre � titre de sujets du roi de France et ils se sont retrouv�s sous le joug d’un gouverneur colonialiste autoritaire et d’une �glise z�l�e et puissante. On assista, 150 ans plus tard, � l’arriv�e des Britanniques avec un contingent de mercenaires allemands et, tour � tour, le Qu�bec puis Montr�al furent captur�s. Les colons se sont donc retrouv�s sous l’autorit� des institutions et d’un gouvernement britanniques qu’ils ne comprenaient pas facilement. L’�glise est devenue encore plus importante car c’est elle qui d�fendait les int�r�ts des colons fran�ais. C’�tait une force qui les s�parait d’un gouvernement dont la langue, la religion et la culture leur �tait �trang�res. La mentalit� de victime et la faible estime personnelle qui s’ensuivit ont trouv� un nouveau terrain o� grandir. On ouvrait ainsi la porte � l’exploitation et il n’y avait pas de p�nurie d’aspirants politiques pour saisir l’occasion. Sans vouloir retracer l’histoire du Qu�bec, j’essaie de souligner que le processus historique des Qu�b�cois francophones leur a permis, pendant une grande partie de cette histoire, de bl�mer quelqu’un d’autre pour leur sort : le roi fran�ais, le gouverneur, les Britanniques, l’�glise, le gouvernement du jour � Qu�bec ou � Ottawa. La sc�ne �tait mont�e pour l’explosion de 1960.

 

La R�volution tranquille

Il y a certainement eu des voix et des mouvements h�ro�ques qui ont pr�n� la r�alisation de soi avant ce temps-l� et, plus fr�quemment, au cours du si�cle actuel. Mais c’est la mort de Maurice Duplessis qui a ouvert la porte au changement et qui a donn� naissance � la R�volution tranquille. C’est finalement sous le gouvernement lib�ral de Jean Lesage et son remarquable ministre des Ressources naturelles, Ren� L�vesque, que les Qu�b�coises et Qu�b�cois ont d�cid� que le temps �tait venu de prendre le contr�le de leur propre destin�e. On lui doit l’expression bien connue �Ma�tres chez nous!�, slogan populaire cr�� par Errol Bouchette, �crivain et fonctionnaire du 19e si�cle, qui pr�conisait l’autonomie �conomique du Qu�bec et la nationalisation des ressources hydro�lectriques. D’un certain point de vue, ce fut la naissance d’une d�mocratie lib�rale responsable au Qu�bec, une d�termination � devenir ma�tres de notre destin�e. Notre d�pendance prendrait fin. Nos institutions serviraient nos meilleurs int�r�ts, � commencer par une hydro-�lectricit� � prix abordable, des soins de sant� universels et l’acc�s � une �ducation gratuite pour tous. Nous assistions � la cr�ation d’une nouvelle image et compr�hension de soi o� les anciennes d�pendances n’avaient plus leur place. Monsieur L�vesque disait d’Hydro-Qu�bec :

�Hydro-Qu�bec est rapidement devenu une esp�ce de pionnier du changement social en ce qui a trait au Qu�bec, en ce sens qu’il appartient � l’ensemble de la population.� (Traduction)

Lors d’une allocution importante au Canadian Club � Montr�al, le ministre d�crivait le d�fi auquel le nouveau gouvernement lib�ral devait faire face et il a d�clar� :

�Notre travail consiste � s’assurer que la majorit� re�oive ce qui lui revient de droit, ce qui n’est jamais arriv� dans le pass� (en partie, par leur propre faute), et qu’un meilleur avenir s’offre � eux et � leurs enfants.� (Traduction)

Une planification d�taill�e pour l’avenir commen�a pour de bon en 1963 sous Ren� L�vesque. L’objectif �tait de concevoir une vision o� le gouvernement jouerait le r�le de leader et de s’assurer que l’entreprise priv�e collabore � l’atteinte des objectifs, soit un genre de contrat social. Voici sa propre description du concept.

�Quelques soient les proportions qui sont finalement accept�es pour pr�parer cette recette pour la planification �conomique, il y a au moins deux ingr�dients qui doivent en faire partie si on veut �viter que cette planification ne devienne une esp�ce de fraude nationale : (1) l’�conomie elle-m�me doit �tre un moyen pour atteindre l’objectif de toute soci�t� civilis�e, soit la valorisation de la dignit� de l’homme gr�ce � un travail suffisamment bien pay� pour garantir un bien-�tre de base auquel tout le monde est en droit de s’attendre; (2) les contraintes de la planification ne doivent pas �tre simplement impos�es par le haut mais avoir l’accord de la majorit� afin qu’elles soient le r�sultat de la plus d�mocratique participation repr�sentative dans la formulation et l’implantation des buts de la soci�t�.� (Traduction)

� Toronto, en 1963, Ren� L�vesque proclamait ses vues sur la f�d�ration.

�Pour �tre honn�tement un Canadien, je ne devrais pas me sentir comme un Autochtone qui quitte sa r�serve � chaque fois que je quitte le Qu�bec. � l’ext�rieur du Qu�bec, je ne vois pas deux grandes cultures. Je me sens comme un �tranger. En tout premier lieu, je suis Qu�b�cois et, en second lieu, avec un doute plut�t grandissant, je suis Canadien.� (Traduction)

De tels commentaires attiraient de plus en plus l’attention des m�dias et ils ont port� un des conf�renciers de ce soir, l’Honorable Claude Ryan, alors �diteur du journal Le Devoir, � d�clarer:

�Monsieur L�vesque n’a pas encore fait la transition entre agir impulsivement et avoir des propos mod�r�s. L’homme est devenu trop important, trop plein de promesses, pour se tenir ind�finiment dans le cadre de la porte � menacer de proclamer sa col�re au monde ext�rieur si on ne lui accorde pas une audience dans la maison.� (Traduction)

Le Parti Lib�ral a poursuivi son programme rigoureux de r�forme comprenant la cr�ation, en 1964, du minist�re de l’�ducation du Qu�bec qui visait une �ducation gratuite pour tous � tous les niveaux, et du R�gime de rentes du Qu�bec, en 1965. Le chef du parti, monsieur Lesage, ne semblait pas poss�der la m�me passion pour la d�mocratie que ses lieutenants, ce qui porta M. Ryan � �crire dans Le Devoir :

�Ce qui d�pla�t dans le comportement de monsieur Lesage, c’est la mani�re �go�ste qu’il a de pr�tendre avoir le monopole sur le bon sens, le r�alisme et la responsabilit�.� (Traduction)

� la suite d’un remaniement minist�riel au Qu�bec, en octobre 1965, M. L�vesque s’est retrouv� au minist�re de la Famille et des Services sociaux. Mais cela ne suffirait pas � sauver le parti d’une d�faite �lectorale neuf mois plus tard. Cela lui a tout de m�me permis d’articuler � nouveau sa vision. En 1966, il d�clarait :

�Le Canada fran�ais r�veill� n’est pas contre un groupe ou ses droits mais seulement contre les privil�ges ench�ss�s d’une minorit� dominante. Le r�veil du Qu�bec est un ph�nom�ne positif qui n’est pas seulement tol�rant mais profond�ment respectueux des droits de la minorit�.� (Traduction)

Les choses sont arriv�es au point critique entre les mod�r�s et M. L�vesque lors du Congr�s lib�ral, en octobre 1967, et il d�missionna du parti durant le Congr�s quand il s’aper�ut que son id�e d’une souverainet�-association ne passerait pas. Je veux clore cette importante vue d’ensemble de l’�volution du Qu�bec au cours des ann�es 1960 avec une d�claration de ce populaire et remarquable leader nationaliste qu�b�cois sur ce que devrait �tre un parti politique.

�Dans l’ensemble, je crois qu’on peut le r�sumer en trois mots : d�mocratique, progressiste, qu�b�cois. Premi�rement, �d�mocratique� signifie que tous les droits acquis et les cliques sont exclus. Le parti doit garder ses portes grandes ouvertes et accueillir toutes les personnes qui sont pr�tes � accorder leur appui au programme de m�me que toutes les personnes qui valorisent leur libert� d’expression et leur droit de ne pas �tre d’accord tout le temps sur toutes les questions. Un parti d�mocratique n’est pas un ensemble d’automates. C’est un terrain de rencontre pour des citoyens libres pr�ts � accepter un minimum de discipline n�cessaire � toute organisation qui veut vraiment accomplir quelque chose plut�t que de simplement se contenter d’�tre un forum sans direction. Un parti d�mocratique est aussi un parti qui appartient � ses membres et dont le financement est enti�rement, sans qualifications cach�es ni myst�res, entre leurs mains. Le mot �progressiste� est un adjectif qui s’applique � un parti qui n’a pas peur du changement. Maintenant plus que jamais, nous devons accepter le changement social et �conomique comme �tant normal et sain. Un parti progressiste ne doit pas seulement accepter un tel changement mais il doit aussi avoir le courage de proposer des changements qui semblent souhaitables et de les mettre � ex�cution sans faire de bruit d�s qu’il est au pouvoir. Et il doit continuer de le faire avec la m�me vigueur r�fl�chie tant qu’il est au pouvoir sinon, t�t ou tard, il deviendra un parti conservateur, tout aussi respectable, mais ce ne sera pas du tout la m�me chose ! Pour moi, �qu�b�cois� veut d’abord dire que nous devons accepter tout de suite l’�galit� de tous les citoyens du Qu�bec aux yeux de chaque institution et de la loi, et �tre pr�ts � d�fendre ce principe lorsque n�cessaire, ind�pendamment des affiliations culturelles, religieuses et m�me politiques. Chaque Qu�b�cois est et doit demeurer un citoyen � part enti�re. C’est une id�e qui est absolument essentielle et que nous ne devons jamais oublier, surtout durant des temps difficiles comme ceux que nous traversons pr�sentement. De plus, �Qu�bec� doit signifier le Canada fran�ais dans un sens collectif. Nous somme la nation qu�b�coise et nous formons 80 % de la population de la province. Les autres peuvent se sentir chez eux quasiment n’importe o�, mais nous n’aurons jamais d’autre patrie assur�e qui sera la n�tre � part le Qu�bec. Un parti du Qu�bec ne doit jamais oublier cela, il doit toujours travailler sans rel�che pour les int�r�ts nationaux des Canadiens fran�ais et, � chaque jour, dans chaque champ, il doit s’efforcer de nous amener plus pr�s du temps o� nous serons, une fois pour toutes, ma�tres chez nous.� (Traduction)

M�me si M. L�vesque a adopt� ce point de vue alors qu’il �tait ministre au sein d’un gouvernement lib�ral du Qu�bec, on peut croire qu’il n’a pas beaucoup chang� quand le Parti Qu�b�cois est arriv� au pouvoir en 1976.

L’autre groupe qui fait partie du mythe Anglais-Fran�ais a connu une �volution historique fort diff�rente. Les Anglais sont arriv�s sur ces rives dot�s d’une tradition d’institutions et d’une gouverne d�mocratiques lib�rales datant du temps de Charles I, comprenant une �glise ayant v�cu l’exp�rience r�cente de la R�forme. Les liens de d�pendance qui couvraient l’Atlantique �taient une source de confiance et de fiert� au sein d’un empire britannique en pleine expansion et ils ne donnaient aucun signe de repr�sailles possibles envers les colons. Nous pourrions revoir en d�tail ces deux parall�les historiques mais il suffit de dire que les premiers d�veloppements de la r�alit� fran�aise et de la r�alit� anglaise sur cette terre ont �t� totalement diff�rents, et ils expliquent, en partie, les �v�nements r�cents. Cela explique aussi notre compr�hension si diff�rente de la r�alit� actuelle. S’il est vrai qu’un grand nombre de Qu�b�coises et de Qu�b�cois croient que le Qu�bec est parvenu de lui-m�me � devenir une soci�t� d�mocratique responsable en 1960, il devient plus facile de comprendre l’exaltation et l’enthousiasme qui entoure cette p�riode. Il faut aussi dire que les r�ussites du Qu�bec au cours des 38 derni�res ann�es sont ph�nom�nales.

Je crois que le d�veloppement de soci�t�s enti�res refl�te notre propre d�veloppement individuel. Au d�but, nous vivons en �tat de d�pendance, puis nous progressons vers l’ind�pendance et, une fois devenus matures, nous �tablissons des relations interd�pendantes saines. Autant ce processus est in�vitable chez les �tres humains, autant il est n�cessaire, � mon avis, pour des soci�t�s enti�res. C’est un processus que le Qu�bec doit suivre et suivra. La question qui se pose pour nous, et pour le reste du Canada, est la suivante : �Comment pouvons-nous, ainsi que le reste du Canada, concevoir un appareil politique qui permettra la r�alisation du processus de d�veloppement avec le moins de dommage possible quant aux perspectives d’avenir sur ce continent pour toutes les personnes concern�es?

Voil� une question qui est assez �pineuse pour l’�glise anglicane du Canada. Ce synode regroupe des �v�ques, des membres du clerg� et des la�cs qui ont sign� l’Alliance avec les Autochtones, alliance qui soul�ve les m�mes questions pour nous. �Comment les Autochtones anglicans au Canada peuvent-ils affirmer et c�l�brer leur identit� et prendre le contr�le de leur autod�termination quant � leur avenir sans endommager les perspectives d’avenir de la communion changeante dans l’�glise anglicane?�

Partout au Canada, on entend cette m�me question chez les Premi�res Nations alors qu’elles abordent des questions d’identit� et d’autod�termination et les questions connexes des revendications territoriales. Une organisation et un gouvernement forts et centralis�s ne r�pondent pas toujours bien et de mani�re efficace aux pr�occupations r�gionales. On retrouve donc d’autres juridictions au Canada o� la question ne traite pas la fa�on de s’y prendre pour obtenir l’ind�pendance mais plut�t comment peut-on prendre part aux avantages d’une f�d�ration �largie tout en �tant pris au s�rieux comme partenaire.

 

Une approche anglicane du partenariat

L’�glise anglicane du Canada a beaucoup contribu� � la Communion anglicane mondiale avec, par exemple, notre mod�le de gouvernement synodal. Cette forme de partenariat repr�sente une de nos contributions les plus distinctes. C’est un principe qui, depuis 1963, gouverne notre mission et nos rapports, et qui nous conduit vers une responsabilit� et une inter-d�pendance mutuelles. Selon ce principe, nous nous approchons des autres en guise de solidarit�. Nous �coutons leurs histoires et leur mani�re d’articuler leurs aspirations et leurs besoins. Nous ne pr�tendons pas poss�der les bonnes r�ponses pour eux, mais nous tentons de les comprendre. Puis, nous identifions des ressources qui peuvent servir � r�pondre � leurs besoins. � partir de ces �l�ments, nous cr�ons une vision partag�e avec eux et nous nous engageons � actualiser cette vision en tant que partenaires. C’est la mise en oeuvre de l’engagement baptismal de faire notre possible pour avoir la justice et la paix pour toutes les personnes et le respect de la dignit� de chaque �tre humain. Je suis d’avis que ce principe de partenariat, qui m�rite le respect au plan international et dans les affaires de notre �glise au Canada, pourrait avoir une port�e plus �tendue sur notre territoire et nous �tre tr�s utile dans l’avenir. Mais le partenariat exige un engagement et le retrait face � tel engagement sinon le manque de suivi peut co�ter tr�s cher. Apr�s tout, le Canada est un partenariat de plusieurs peuples et d’int�r�ts r�gionaux qui ont des aspirations raisonnables et l�gitimes en attente de r�alisation. Et parmi ces diff�rences, nous ne pouvons pas nous d�finir, en tant que peuple, seulement par notre langue, notre culture, nos fronti�res et notre appareil politique.

 

L’�glise au Qu�bec

L’�glise anglicane est arriv�e au Qu�bec, et particuli�rement � Montr�al, en 1760. D�s ses premiers jours, elle s’est retrouv�e dans un partenariat. Le premier cur� anglican de Montr�al �tait David Chabrand Delisle. Il tenait ses services dans la chapelle des P�res R�collets qui la lui pr�taient pour une heure le dimanche. Il �tait francophone. Ses paroissiens anglophones ont suppli� monseigneur Inglis de leur envoyer un pr�tre anglais car ils ne comprenaient pas ses sermons. Dans une lettre � sa soci�t� missionnaire, le R�v�rend Delisle a mentionn� que ses fid�les �taient de fait des presbyt�riens sans cur�. De plus, 40 paroissiens de langue allemande ont fait une demande aupr�s de l’�v�que pour qu’il leur envoie un pasteur parlant allemand. C’est tout un reflet de la nature inclusive de l’�glise anglicane de r�aliser que les services �taient tenus en allemand, en anglais et en fran�ais dans une chapelle emprunt�e aux catholiques romains au b�n�fice de gens appartement � une vari�t� de religions. Mais l’�volution de Montr�al �tait telle que, de plus en plus, les Anglicans ont �t� identifi�s � �l’�glise anglaise�. Il faut ajouter que pendant plusieurs ann�es cette situation la satisfaisait. Ce n’est que plus r�cemment que le principe du partenariat a pris une nouvelle vie. Et nous avons pay� un prix institutionnel pour cette complaisance. L’affirmation de la r�alit� fran�aise dans les ann�es 1960 et 1970 et la l�gislation qui l’a suivie, et qui a tellement offens� les anglophones, a donn� lieu � un exode massif de Qu�b�coises et de Qu�b�cois de langue anglaise qui ont quitt� la province. L’�glise anglicane de Montr�al a perdu, sur une p�riode de 30 ans, pr�s de 75% de ses membres, et elle tente toujours de se red�finir face � cette nouvelle r�alit�.

Encore une fois, c’est le principe de partenariat qui nous sert bien. Nous prenons pour acquis qu’il faut parler et comprendre le fran�ais et nous exigeons que chaque membre du clerg� puisse fonctionner en anglais et en fran�ais. Nous collaborons sur plusieurs plans avec les gouvernements locaux et provincial. Malgr� notre petite taille, le dioc�se de Montr�al est le plus important parrain unique de r�fugi�s au Qu�bec. Nous avons r�cemment eu une r�ception � Fulford Hall pour tous les r�fugi�s que nous avons parrain�s au cours des 12 derniers mois. La salle �tait remplie de nouveaux arrivants venant d’Afghanistan, du Rwanda, du Burundi, du Pakistan, du Sudan et de plusieurs autres parties du monde. Le ministre qu�b�cois, l’Honorable Andr� Boisclair, �tait pr�sent parmi nous et il se demandait comment nous pouvions y arriver. Le gouvernement du Qu�bec s’est engag� � fournir 60 millions $ pour restaurer des �difices historiques. La ministre, l’Honorable Louise Beaudoin, a lanc� le programme � partir de notre cath�drale et le doyen, le Tr�s R�v�rend Michael Pitts, est le tr�sorier de la Fondation H�ritage Qu�bec qui g�re le fond. Les id�es et l’expertise que nous offrons � d’autres partenariats dans les secteurs de l’�ducation, des soins de sant�, de l’aum�nerie dans les prisons et des programmes sociaux communautaires vont au-del� des nombres.

L’Association des doyens de l’Am�rique du Nord a tenu une r�union � Montr�al, il y a dix ans. J’y avais invit� l’Honorable Marc Lalonde, ancien ministre f�d�ral qui a tenu presque tous les postes minist�riels les plus importants, et Pierre-Marc Johnson, chef du Parti Qu�b�cois, qui venait de compl�ter un court mandat comme premier ministre apr�s la mort de Ren� L�vesque. Comme on s’y attendait, ils ont pr�sent� des opinions divergentes quant � l’avenir politique du Qu�bec et on eu droit � des �changes anim�s sur le sujet. Monsieur Johnson a conclu en disant : �Le d�fi du Qu�bec, qui cherche � se d�finir en Am�rique du Nord, ressemble un peu au d�fi de l’�glise anglicane, qui cherche � se d�finir au Qu�bec.� Son point m’a frapp� et il m’a fait comprendre que les questions d’identit� ne sont pas r�serv�es au Qu�bec. Nous vivons dans une �poque de globalisation o�, potentiellement, quelques personnes peuvent prendre des d�cisions qui affectent de plus en plus de gens. Les questions d’identit�, de compr�hension de soi et d’autod�termination rev�tent de plus en plus d’importance pour la plupart d’entre nous. En m�me temps, nous r�alisons de plus en plus que toutes les parties de la Cr�ation sont reli�es entre elles. Par cons�quent, le fait de nous �lever au-dessus de notre int�r�t personnel dans l’espoir d’obtenir un avantage � long terme pour notre bien-�tre collectif est en train de devenir une vertu attirante.

 

Conclusion

En tant que membres de l’�glise anglicane, nous sommes un peuple qui poss�de une certaine exp�rience de l’inclusion, et qui sait honorer les aspirations d’une grande vari�t� de cultures, d’histoires et de langues au sein d’une m�me Communion. � titre d’�glise de la R�forme, nous ne favorisons pas tellement le pouvoir et l’autorit� centralis�s ni les formules dogmatiques qui sont insensibles au mouvement de l’Esprit dans le Corps de l’�glise. Nous sommes engag�s � lutter pour la justice et � respecter la dignit� de chaque �tre humain. Et dans ce synode, nous sommes d�cid�s � faire entendre nos voix. Si cela ne nous permet pas de trouver des r�ponses politiques � des questions difficiles, nous poss�dons toutefois la comp�tence requise pour bien contribuer au contexte dans lequel ces questions sont soulev�es ainsi qu’aux valeurs qui peuvent conduire � des r�sultats satisfaisants. Voici donc une voix qui provient de notre �glise au Qu�bec. Je souhaite que, dans une petite mesure, cela puisse �tablir un contexte au sein duquel la discussion de ce soir ajoutera � la compr�hension et � la bonne volont� mutuelles et nous am�nera plus pr�s du royaume de Dieu, rempli de justice et de paix sur ce territoire et partout sur la terre.